Une autre façon de s’engager avec les Captifs : le Réseau Prière !

Le Réseau Prière des Captifs existe depuis 1992 et a donc fêté ses 30 ans en 2022 ! Il réunit toutes les personnes qui souhaitent prier pour les personnes de la rue, accompagnées par les Captifs. Alessandra Guerra, ancienne salariée à Saint-Leu-Saint-Gilles, nous rappelle son origine, dans la Lettre aux Amis de septembre 1994 : « peu à peu est née l’idée de puiser des forces à travers la communion par la prière. Au début, cette proposition a été faite à tous ceux, qui, passés par l’association, continuaient leur chemin vers une vocation religieuse et qui souhaitaient rester en lien avec nous et ceux de la rue ».

Et puis, d’autres personnes ont entendu parler de ce « parrainage par la prière », et ont souhaité le rejoindre. « Nous sommes en Eglise, nous ne comptons pas que sur nos propres forces. On se porte les uns les autres ». Sœur Thérèse peut en témoigner ! Membre du Réseau-Prière depuis de nombreuses années et aujourd’hui en EHPAD, elle continue cette importante mission de prière avec enthousiasme. Elle nous confie que le journal du Réseau Prière lui « rappelle [sa] mission et [la] stimule à mieux prier en pouvant mieux connaître et situer nos frères les plus démunis et les antennes. Merci des envois qui nous font grand bien ».

Le Réseau-Prière a pris différents visages au fil du temps et, depuis septembre 2022, il est porté par chaque antenne. Les priants s’engagent ainsi à prier chaque semaine pour une antenne spécifique des Captifs et reçoivent mensuellement le journal du Réseau-Prière de cette dernière. « Cela donne un sens concret à l’apprentissage de la communion et au développement de la fraternité avec les personnes accueillies. Au travers d’un lien plus fort avec les priants et d’une implication plus grande des personnes accueillies, l’intégration paroissiale de l’antenne n’en sera que renforcée et les priants d’autant plus engagés » précise Thibault Leblond, ancien animateur du Réseau Prière des Captifs. La prière est déjà bien présente aux Captifs : dans la prière-rue mensuelle, les pèlerinages, les temps de réunion et de partage ou avant de partir en tournée-rue… Elle s’incarne dans notre quotidien.

Le Réseau Prière, lui, « offre à toute personne sensibilisée par la situation de détresse de nos amis de la rue, l’opportunité de poser un acte de charité concrète ». Même ceux qui ne peuvent être sur le terrain, nous explique Ligia, bénévole référente du Réseau-Prière de Nîmes : « Le RP est à la fois important pour porter ceux qui font les tournées-rue ; pour qu’ils soient bien à l’écoute et qu’ils soient inspirés, avec un vrai cœur de compassion mais aussi et surtout pour intercéder pour nos amis de la rue, dans les souffrances et les épreuves qu’ils traversent. Et comme toute œuvre de l’Esprit Saint c’est aussi l’occasion pour le priant d’expérimenter la puissance et la beauté de la prière d’intercession, de goûter à la joie de la prière exaucée ; et surtout de grandir dans la foi et la compassion ».

A travers ce Réseau-Prière s’exprime la conviction des Captifs que la prière est nécessaire pour mener à bien sa mission : « Pour relier les hommes entre eux, nous passons par Dieu qui nous envoie inlassablement les uns vers les autres. Pour rencontrer en vérité ceux qui souffrent du sida, ceux qui subissent la prostitution, ceux qui ne savent plus du tout où ils en sont, pour rester au long des jours à leur écoute dans une véritable compassion, nous avons besoin de passer par la prière. La prière est notre moyen de résister à l’usure ; la prière est la route de la conversion : nous sommes tous captifs, nous sommes appelés à être libérés par Dieu qui nous aime ; nous sommes en route pour connaitre Dieu comme notre Père. » écrivait le Père Patrick Giros.

La galette des Rois dans l’antenne Lazare

Depuis 2 ans, les femmes transgenres en situation de prostitution ont enfin un lieu d’accueil pour venir passer des moments conviviaux et rencontrer leurs travailleuses sociales. Ces personnes hispanophones, jusqu’ici seulement rencontrées en rue, sont accueillies dans l’antenne de Lazare dans le 16ème arrondissement de Paris. Mercredi 11 janvier dernier, ces personnes accueillies ont fêté l’Epiphanie avec les bénévoles et salariés des Captifs !

Dans la culture populaire actuelle, l’Epiphanie se résume à la galette des rois et à la traditionnelle fève qui fait de l’heureux élu, un roi le temps d’un dessert. Pourtant, de l’autre côté de l’océan au Brésil, en Espagne et dans différents pays d’Amérique latine, les Rois Mages sont des figures célèbres. Gaspard, Balthazar et Melchior détrônent le Père Noël. Pour les femmes  accompagnées par Lazare, ces 3 Mages venus d’Orient s’adressent tout particulièrement à elles qui ont quitté leurs pays pour venir en France. Elles aussi semblent guidées dans leurs chemins migratoires par une étoile, afin de garder l’espoir dans leur parcours de vie parfois si difficile.

Aussi, les Captifs ont créé une nouvelle tradition pour se réjouir avec elles et faire la fête ensemble. Cette année, plus de 30 personnes sont venues diner à l’antenne pour cette occasion. Les festivités ont commencé par un apéritif pour laisser à tous le temps d’arriver, puis les deux prêtres présents (le curé de Saint Honoré d’Eylau et l’aumônier de la mission espagnole) ont animé la prière. Les femmes de l’antenne sont chrétiennes et le religieux garde une place certaine dans leur vie.

Pour finir la soirée en beauté, les Mages ont tout de même apporté de beaux présents ! Grâce à la Mairie du XVIème et à l’association Entourage, les personnes accueillies ont reçu une boîte chacune avec différents cadeaux utiles pour leur quotidien. Ces boîtes, préparées avec attention, ont fait naître de grands sourires sur tous les visages. Tous ont fait éclater leur joie en chantant à tue-tête sur le karaoké.

Cette soirée restera un bon souvenir et un moment fort de 2023 pour les Captifs de Lazare. Vivement l’Epiphanie de 2024 !

Charité à mains nues : le nouveau livre Captifs

Thierry des Lauriers, directeur général de l’association, témoigne dans son dernier livre, de toute la fécondité de l’approche des Captifs, mais aussi des difficultés rencontrées auprès des plus pauvres : l’impuissance, la colère, l’épuisement. Ce livre se veut, à la lumière de l’Evangile, une invitation à rencontrer le pauvre comme un frère. Nous l’avons interviewé pour préparer la sortie de son livre le 22 mars.

  • Charité à mains nues, peux-tu nous en dire un peu plus à propos de ce livre et expliquer à qui il s’adresse ? 

C’est le témoignage de douze ans d’engagement aux Captifs ! Il s’adresse à tous ceux qui ont envie, au nom du Christ, de s’approcher des plus pauvres, des gens de la rue, des personnes prostituées, et aussi de toute personne fragile ou blessée par la vie.

  • Qu’est-ce qui t’a poussé à écrire ce livre ?

Au fil des jours, je découvre la pertinence et la profondeur de l’approche des Captifs, que ce soit à l’occasion de rencontres vécues avec des personnes de la rue, des échanges avec les équipes bénévoles et salariés de l’association, à la lecture des écrits de Patrick Giros, notre fondateur, de la méditation des rencontres de Jésus dans l’Evangile. Je crois que cette approche est un trésor à partager avec tous les chrétiens qui ont le souci des gens de la rue et plus largement le souci des plus fragiles et des plus pauvres. C’est ainsi que j’ai eu envie d’écrire et de partager cette expérience.

  • Après autant de tournées-rue et de rencontres, comment as-tu eu l’idée de ce qu’il fallait faire ressortir ?

Tout d’abord il m’a semblé naturel d’éclairer par le témoignage et l’ancrage évangélique la profondeur des valeurs que nous cherchons à incarner aux Captifs : gratuité, fidélité, inconditionnalité, regard intégral sur la personne, qui sont autant de manières de témoigner comment Dieu nous aime. Mais j’ai aussi souhaité partager les difficultés et les joies que nous pouvons vivre dans notre engagement auprès des gens de la rue : impuissance, colère, épuisement, d’un côté, fête, fraternité, prière, de l’autre.

Si cet article vous a convaincu, vous pouvez précommander l’ouvrage, pour le recevoir dès sa sortie, sur Charité à mains nues – editionsartege.fr

Des ventes en ligne pour l’atelier BAKHITA

L’atelier BAKHITA est l’atelier d’insertion professionnelle des Captifs. Il permet à des personnes en situation de grande précarité de s’insérer par la couture, d’apprendre un nouveau métier et de retrouver leur dignité par le travail. Et depuis deux mois, l’atelier a un nouveau point de vente digital !

Jusqu’à présent, les ventes des produits de l’atelier ont lieu chez des partenaires des Captifs. Le concept est simple : les couturières et bénévoles viennent avec leur stock et accueillent les collaborateurs de l’entreprise qui passent devant le stand pendant leur pause. Oui mais voilà, les couturières de l’atelier ne cessent d’apprendre de nouvelles choses et de confectionner de nouveaux produits (en plus de leurs célèbres cortèges de mariage). Alors il est temps d’ouvrir les ventes à tous et trouver un nouveau lieu accessible pour vendre toutes ces nouveautés : un site internet !

Chouchou, trousse de toilettes, nœud papillon et tablier : il y en pour tous les goûts. Et comme toutes les occasions sont bonnes pour offrir de jolies choses à vos proches, l’atelier a décidé de vous permettre de passer commande facilement tout au long de l’année. En deux clics le tour est joué.

Et pour ceux qui ne sont pas encore convaincus, vous pouvez retrouver toutes les photos et les commentaires des précédents clients. Ils l’ont testé et approuvé !

Si nous avons besoin d’un dernier argument pour vous convaincre de filer dévaliser les stocks de la boutique en ligne, sachez que l’atelier vend aussi l’album photo de l’exposition des 40 ans de l’association. Alors avec votre sac de voyage, n’achèteriez-vous pas un beau recueil pour découvrir l’ADN des Captifs ?

Joy, survivante de la prostitution

A l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes de fin 2022, la préfecture de la région d’Île-de-France, préfecture de Paris, a proposé différentes vidéos de sensibilisation sur le système prostitutionnel et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle. Les acteurs associatifs (tel que les Captifs), prennent la parole sur une violence encore mal connue du grand public.

Particulièrement impliquée dans la lutte contre ce phénomène, la préfecture de région met en lumière, dans ces vidéos, le travail d’accompagnement réalisé par les associations et le Parcours de Sortie de la Prostitution (PSP).

Porté par l’État, ce dispositif offre aux victimes souhaitant sortir de la prostitution un accompagnement global assuré par une association agréée et l’octroi de droits spécifiques tel qu’une aide financière. Dans les différentes vidéos vous retrouverez Marc Guillaume, le préfet de la région d’Île -de-France, préfet de Paris, Joy, victime de la prostitution qui a suivi un parcours de sortie de la prostitution. Et enfin Gilles Badin, directeur opérationnel de l’association Aux captifs, la libération, qui revient sur le fonctionnement des réseaux de traite.

Nous voulions vous présenter en tout premier la vidéo témoignage de Joy qui, à travers ces dessins, vous raconte son arrivée en France et comment elle a réussi à sortir de la prostitution :

Si vous souhaitez découvrir l’ensemble des témoignages, vous pouvez vous rendre sur la chaine SRCI PRIF !

« Tous frères et sœurs ? C’est faux ! »

Aux captifs, la libération, nous accompagnons, entre autres, des personnes en situation de prostitution. Notamment dans l’antenne Saint-Gilles-Saint-Leu (Paris 1e).

Béatrice et Felicity sont deux femmes qui connaissent ou ont connu la prostitution. Dans ce témoignage, elles se confient au sujet de la fraternité auprès de leur travailleuse sociale.

Tous frères et sœurs ? « C’est faux ! » La sentence de Béatrice, que nous rencontrons régulièrement en tournée dans la rue Saint Denis (Paris 1e) est sans appel. « Ici, c’est la faune. », insiste-t-elle, en désignant la rue ou elle attend ses clients. Cheveux châtains encadrant ses yeux noisette, Béatrice, âgée d’une soixantaine d’années nous accueille sous l’embrasure de son immeuble avec un grand sourire relevé par un discret maquillage. « Nous sommes dans une société individualiste et égoïste, déroule-t-elle, volubile, où il n’y a plus ni valeurs morales, ni respect. ». A celle pour qui la rue n’est qu’âpreté, comment parler de fraternité ? A la rue depuis le krach boursier de 2001 dans lequel elle a perdu toutes ses économies elle finit par atterrir dans son studio du centre de Paris où elle est victime à répétition du sabotage des autres filles de la rue. « Tous les gens à qui j’ai fait confiance m’ont escroquée, y compris ma famille. Là où je vis, je suis obligée de me méfier. ». Intuitive, elle perçoit avec finesse ceux qu’elle rencontre et trie selon la bonté qu’elle devine ou non. Nous aussi, nous sommes passés au crible. Serons-nous jugés dignes de confiance ?

Chez les femmes nigérianes, en revanche, la sororité est de mise. « Sister, sister !» les entend-on se héler. La sister, c’est d’abord toute femme nigériane qui parle la même langue, vient du même pays, a le même parcours. Mais c’est aussi tous les autres vivants et nous, les Captifs : « Toi aussi, tu es ma sister. » Nous avons rencontré Felicity en 2015, rue Saint Denis. Mère de deux enfants au pays, elle a été victime d’un réseau de traite des êtres humains. Elle parvient en France et est projetée dans la rue ou elle doit y rembourser une dette. Onze ans après son arrivée en France, Felicity est aujourd’hui en Parcours de Sortie de Prostitution, un parcours de régularisation. « Aux Captifs, c’est ma maison. Aux moments de ma vie ou tout s’effondrait, vous ne m’avez pas abandonnée. Je ne pense que vous puissiez me trahir un jour. ».

Dans la vie de Béatrice aussi, malgré tout, des éclats fugaces de gratuité sont marqués à jamais. Elle évoque, heureuse, sœur Noëlle et sœur Elisabeth, anciennes bénévoles des Captifs et Petites Sœurs de Jésus et se remémore le sourire aux lèvres de leurs visites régulières : « Cela me faisait du bien. Avec elles, je n’avais pas besoin d’armure. » « Et avec nous ? » m’enquis-je, me souvenant de nos longues discussions en tournée-rue « J’étais admirative de votre dévouement. Le temps c’est précieux et vous me le donniez. ». La voix emplie de douceur, elle raconte comment elle se sent sereine lorsque nous la rencontrons : « Il n’y a pas de vice ou d’arrière-pensée. J’aime bien ce contact qui n’a rien à voir avec mon milieu. ». Si Béatrice récuse le terme d’« amitié » pour décrire notre lien, elle s’accorde bien volontiers à parler de fraternité. Oui, c’est bien une fraternité que nous vivons. Au moment de se quitter, tout sourires, nous nous promettons, d’aller rendre visite, ensemble, aux Petites sœurs de Jésus qui lui ont tant fait de bien.

Merci aux partenaires financiers qui soutiennent nos projets autour de l’accompagnement des personnes en prostitution :  Bouygues S.A, Fondation Charles Defforey, Fondation Eléos, Fondation Isabelle et Hubert d’Ornano, Fondation Moral d’Acier, Fondation Notre Dame, Fondation Sisley, Le Maillon, le Secours Catholique.

Gare du Nord : des vies entre les lignes

Maraude à Paris.

La Gare du Nord à Paris abrite de nombreuses victimes de la grande pauvreté. En mars 2022, Libération publiait un article en huit épisodes faisant le récit de vies brisées et parfois réparées. Cet article est le fruit d’un reportage mené pendant un an auprès de Odile Girardière, référente sociale SNCF, qui effectue des maraudes depuis bientôt cinq ans. Nous vous proposons de retracer les grandes lignes de ce reportage afin de mettre en lumière des parcours de vie variés, qui se croisent au sein d’un territoire complexe, ou intervient également l’association les Captifs via son équipe Maquéro et l’Espace solidarité insertion.

Symbole de la révolution industrielle, la Gare du Nord n’est pas seulement un phénomène architectural où embarquent et débarquent produits et passagers. Espace public et donc ouvert, elle est également un système polymorphe ou s’entremêlent divers espaces d’activités et d’interactions. Elle est la gare la plus fréquentée d’Europe, avec 700 000 voyageurs quotidiens qui s’y croisent et 2000 trains qui s’y arrêtent.
A Paris, la géographie du sans-abrisme ne bouge guère, les SDF se concentrant majoritairement dans les quartiers fréquentés. La dernière enquête de la Nuit de la solidarité à Paris confirme cet effet de concentration autour des gares (Nord, Est, Saint-Lazare et Montparnasse) et grandes stations RER. En effet, les gares sont bien souvent des refuges pour des sans-abris homme, femmes, âgés ou plus jeunes, seuls ou non, qui cumulent des problèmes entremêlés : toxicomanie, addictions, problèmes psy, ruptures familiales etc… De fait, la Gare du Nord est aussi un lieu d’intervention pour quelques associations et travailleurs sociaux et s’insère dans un écosystème plus large au-delà de ses frontières physiques, sur son parvis ou encore sur la dalle chauffante en face du Burger King, lieu de vie bien connu pour certains sans-abris cherchant un peu de chaleur.

Odile Girardière est référente sociale de la Gare du Nord et réalise des maraudes depuis quatre ans et demi aux côtés de Badiaa et Manu, deux policiers en civile. Deux à trois fois par semaine, lorsque la gare est ouverte, entre 5h et 1h du matin, ils arpentent le cœur de la Gare du Nord et prolongent leur parcours vers la gare de l’Est et la Gare Saint Lazare. Le trio est le mousqueton d’un maillage d’associations, soignants, agents de sécurité et institutions. Le regard aiguisé, ils interviennent en amont, pour repérer les personnes en marge, créér du lien et écouter. Jamais loin, leurs acolytes de la sureté ferroviaire, la Suge mais également l’équipe Maquéro rattachée aux Captifs, composée d’un psychologue, d’une infirmière et d’un travailleur social, qui interviennent en maraude et proposent également des accompagnements administratifs, sanitaires ou encore de dynamisation au sein de l’Espace Solidarité et Insertion (ESI) situé à deux pas de la gare. Non loin de là, l’espace Gaia et ses travailleurs sociaux interviennent également en maraude et accueillent, au sein de la première salle parisienne de consommation à moindre risque, une partie des usagers de drogue parmi les plus précaires et marginalisés de Paris.

Avec la crise sanitaire, de nouveaux profils viennent se mêler aux sans-abris de plus longue date, qui vont et viennent, s’y fixent ou non et y meurent parfois. L’espérance de vie des personnes à la rue est de 48 ans et les principales causes de décès sont liées aux maladies ou aux agressions. Parmi les nouveaux profils, les équipes peuvent y croiser des femmes seules (13% des sans-abris à Paris), comme Anita, médecin anglais d’une cinquantaine d’année disparue de la gare du jour au lendemain, mais également des personnes à la rue vieillissantes. Du fait d’un cumul de problèmes, une personne à la rue est considérée comme âgée bien avant l’âge autour duquel une personne peut être considérée comme telle. Odile Girardière évoque le parcours de JP, dit « papi Noël », arrivé autour de la gare vers 20 ans, après avoir quitté Valenciennes suite à un accident qui le plonge dans la précarité. A aujourd’hui 67 ans, JP a quitté la gare depuis peu pour une maison de retraite en Seine-et-Marne. La Gare du Nord, c’est aussi le creuset de personnes souffrant d’addictions (56% des personnes sans-abris à Paris), auxquelles se cumulent bien souvent des problèmes de santé mentale (45% des personnes à Paris). C’est le cas de Hicham, père de famille, qui tombe dans la dépression, l’alcool et la rue après avoir perdu son boulot de professeur et sa femme. De leur côté, le couple formé par Mathieu et Sabrina est originaire de Picardie ou ils cumulent boulots précaires et problèmes de drogues. Arrivés à Paris pour se soigner, ils tombent vite dans le crack et la mendicité. Après avoir frôlé la mort, ils trouvent finalement un logement social dans la Somme et deviennent clean.

Le projet Horizon 2024 a été lancé par la SNCF et la mairie de Paris dans le cadre des Jeux Olympiques qui auront lieu à Paris en 2024. Dans ce cadre et entre autres aménagements destinés à accueillir de nombreux voyageurs, la fameuse dalle chauffante du Burger King sera remplacée par une halle aux vélos. Autant de problématiques de rénovation à considérer à l’aune des personnes évoluant Gare du Nord : ces travaux n’entrainent pas qu’un changement fonctionnel et architectural mais secouent un véritable microcosme social.

Tous les chiffres sont issus de l’enquête de la nuit de la solidarité de 2021 :
Apur, « La nuit de la solidarité : les personnes en situation de rue à Paris la nuit du 25-26 mars 2021, analyse des données issues du décompte de la 4ème édition de la nuit de la solidarité » (2021) : https://cdn.paris.fr/paris/2021/11/08/34e20b746fcf30f56efc07c553fc3b75.pdf

Tu connais la coloc’ solidaire ? Découvre le témoignage de Martin, volontaire à Valgiros

Je m’appelle Martin, j’ai 26 ans, je travaille dans une grande entreprise tech française et depuis six mois, je vis avec des anciens sans abris à Valgiros, la colocation solidaire des Captifs.

Pourquoi as-tu choisi de vivre à Valgiros ?

Depuis plusieurs mois, je m’interrogeais sur mon rythme de vie : j’avais plusieurs engagements à droite et à gauche, professionnels, associatifs, paroissiaux, amicaux… J’avais l’impression de ne jamais toucher terre, de ne pas parvenir à m’ancrer : dans ma vie quotidienne, avec les personnes qui m’entourent, dans ma vie de foi et de prière. Je sentais que cette vie m’épuisait, peu à peu, comme si elle se vidait de son sens.

Ma réflexion sur la colocation solidaire – qui trottait dans ma tête depuis plusieurs années – s’est alors intensifiée. J’ai donc contacté Baptiste, volontaire à Valgiros jusqu’en juillet dernier. Nous nous sommes vus, il m’a présenté Valgiros, de manière assez « cash », sans angélisme : tout ce que j’aime ! Puis je suis venu dîner deux fois, j’ai rencontré Véronique, la directrice, qui a été tout aussi « cash », et je me suis décidé ! J’ai rendu mon grand et confortable appartement du 12ème arrondissement et j’ai emménagé à Valgiros le jour de la Pentecôte, un an jour pour jour après avoir reçu la Confirmation. Une coïncidence dont je me suis rendu compte que récemment, et qui n’est pas vraiment un hasard à mes yeux.

En quoi consiste ta mission comme volontaire ?

Mon entourage me demande souvent en quoi consiste mon engagement, concrètement.

Il m’est très difficile de répondre à cette question : nous avons bien sûr des obligations chaque semaine, mais notre mission ne peut s’y résumer. Un dîner hebdomadaire et une activité culturelle ne suffisent pas à s’enraciner dans le lieu et à tisser des relations fraternelles !

En fait, je réponds souvent, sur un ton provocateur, que « je ne sers à rien ». Je ne vais pas sauver les personnes avec qui je vis : seul Dieu sauve. Je ne suis pas même certain que leur situation s’améliorera à mon contact : je ne suis pas travailleur social, et de toute façon, le choix de la réinsertion (sous toutes ses formes) ne nous appartient pas. Ce qui est certain, c’est que la plupart de mes colocs vivaient à Valgiros avant moi, et continueront sans doute d’y vivre après mon départ.

Non, mon utilité, notre utilité, est ailleurs : celle d’être là, tout simplement, et d’essayer de vivre une vie fraternelle, sans rien en attendre. Ni plus, ni moins. C’est un vrai travail d’humilité ! C’est d’ailleurs à travers cette vie communautaire que je me rends compte de toutes mes faiblesses et mes imperfections dans la manière de la vivre et dans ma relation aux autres. J’ai parfois l’impression d’avoir la maladresse d’un manchot sur une trop fragile banquise.

Quels en sont les fruits ?

Dans un texte que j’ai lu récemment, L’arbre renversé, Pierre Favre, son auteur, invite à se consacrer et se concentrer davantage sur les racines, plutôt que sur les fruits. Ce texte exprime très bien la manière dont j’entrevois mon engagement : ne pas chercher les fruits, se concentrer sur l’enracinement.

Pourtant, les grâces sont nombreuses à Valgiros. Celles du quotidien : une discussion, un fou rire, un repas partagé, un échange de regards silencieux. Rien de bien extraordinaire, mais « il en faut peu pour être heureux » comme dit le dicton, et il se vérifie pleinement ici.

Une autre grâce est celle d’avoir une équipe de volontaires renouvelée : sans doute pour la première fois dans l’histoire de Valgiros, nous tous, Maïté, Apolline, Pauline, Gonzague, Ange-Pierrot, Paul et moi sommes arrivés quasiment en même temps, à quelques semaines d’intervalle. Nous formons une équipe soudée et très complémentaire, dans nos personnalités, nos qualités et nos faiblesses.

Bien sûr, derrière ces petites (et grandes) joies du quotidien, il y a les difficultés de tous les jours et de notre mission dans son ensemble. La plus grande pour moi est de travailler ma patience, pour faire toujours grandir l’amour envers mes colocataires, même quand parfois c’est difficile, quand la différence est trop grande, que le fossé est trop profond. Cette différence, ce fossé, peuvent prendre bien des formes : le rapport à l’hygiène et à la propreté, à la vie collective, les comportements et les tempéraments, les effets liés à la consommation parfois excessive d’alcool, la différence d’âge et de vécus et puis, évidemment, les affinités de chacun. Quoi qu’il en soit, et c’est peut-être le principal finalement, je chemine, sur ma banquise !

Mais la profonde joie de ma mission, c’est de découvrir un peu plus chaque jour la manière dont Jésus se rend présent en ce lieu, dans les liens que nous tissons et avant tout dans le coeur de mes colocataires. Peu à peu, Il se dévoile. Dans les discussions, les rires, les regards, les larmes. Dans les petits coups de sang ou les grandes colères. Dans les addictions et la souffrance la plus profonde. Celle de vies abîmées ou brisées, captives, qu’Il ne vient pas forcément réparer, mais qu’Il remplit de son amour.

Depuis quelques semaines, nous vivons une expérience très forte. Naïma, 60 ans, abîmée par 20 ans de rue et deux accidents qui l’ont rendue infirme, a chuté dans le salon et s’est brisé la rotule. Dès les premiers jours, sans se concerter ni vraiment se coordonner, nous assistons Naïma dans ses moindres mouvements : faire sa toilette, se lever, se coucher, se déplacer, se nourrir, s’habiller et se déshabiller… Pour la plupart d’entre nous, c’est une première. Nous n’avons pas réfléchi : c’est les coeurs et les mains maladroites qui agissent, peut-être guidés et aidés par l’Esprit Saint.

Le cœur à cœur que nous vivons avec Naïma, dans sa souffrance, ses sourires, ses grimaces, ses blagues, ses jurons et ses colères, est souvent exigeant voire difficile à porter, avant tout pour elle-même.

Toutefois, il est magnifique et bouleversant à bien des égards. Il me fait grandir et je sais déjà qu’il restera à jamais gravé dans ma mémoire.

Une invitation pour nos lecteurs ?

Oui ! Nous recherchons deux volontaires, hommes, pour nous rejoindre. N’hésitez pas à découvrir et faire découvrir Valgiros sur valgiros.captifs.fr !

« Notre travail demande d’avoir de l’espoir pour les aider à se raccrocher à de petites choses »

Youri et Hélène en septembre 2020.

Témoignage d’Hélène Lamarque, responsable de l’antenne Lazare (Paris 16ème) depuis janvier 2022. Antenne qui accompagne des personnes en situation de prostitution, rencontrées au bois de Boulogne en tournée-rue. Dans ce témoignage, Hélène nous explique en quoi l’espérance est au cœur de ce qu’elle vit aux Captifs.

Aujourd’hui, en tant que responsable d’antenne, la mission principale d’Hélène est de mettre en œuvre le projet Captifs sur le secteur géographique de l’antenne, en animant et en organisant la vie de l’équipe :  les permanences, les tournées-rue, les sorties, etc,. Elle apporte aussi une vision en termes d’accompagnement et de spiritualité.  

Auparavant, Hélène était travailleuse sociale pendant presque 4 ans au Centre d’Hébergement de Stabilisation (CHS) Valgiros, un lieu pour « se poser et se reposer et donc se stabiliser après la rue ». Là, sa mission était d’accueillir et accompagner les 21 résidents dans leur accompagnement global : santé, insertion, dynamisation, d’ouverture des droits, etc.

Pour Hélène, le thème de « l’espérance quand tout est perdu » résonne particulièrement : « Je réalise que dans notre travail, on ne rencontre pratiquement que des situations qui nécessitent l’espérance, car il s’agit souvent de situations désespérées : désespoirs de rue, de prostitution, d’insertion, de solitude, etc. Dans ces situations, notre rôle de travailleur social c’est un peu de raccrocher ces personnes qui n’ont plus envie de rien, à la vie.  Alors, notre travail demande d’avoir de l’espoir, de l’espoir pour les aider à se raccrocher à des petites choses, à des petits objectifs « très humains », et d’avoir de l’espérance quand il est impossible de se raccrocher à ces petites choses. A ce moment-là, il faut aller chercher plus loin, il faut cheminer avec la personne. Parfois je me dis que notre boulot, c’est un peu comme faire une transfusion, comme si nous transpirions d’une foi et d’une espérance suffisamment fortes pour leur redonner ce gout de vivre. ».

Et quand Hélène pense à l’espérance, elle pense en particulier à un certain Youri qu’elle a accompagné à Valgiros : « Youri, je le connaissais très bien, puisque j’ai été son assistante sociale puis sa marraine et ce thème de l’espérance quand tout est perdu me fait énormément penser à lui. Effectivement, quelques années après son arrivée à Valgiros il est tombé malade et progressivement, il a compris qu’il allait mourir. Atteint d’un grave cancer, on ne lui prédisait plus que quelques mois à vivre, mais les quelques mois se sont transformés en deux ans de combats contre la maladie. Deux ans de combats et d’acceptation. Je crois qu’il faut être fort pour espérer dans la durée, mais c’est aussi en espérant qu’on devient fort… ou plutôt qu’on laisse Dieu être fort en nous. Cela est possible si on s’ancre à quelque chose ou à quelqu’un dans la fidélité indéfectible. Assez vite, il a décidé de se préparer au baptême et je pense que cela répondait à une soif spirituelle de préparer l’après, c’était une source d’espérance. Quand la mort se présente, il y a d’autres formes de vie qui se présentent, et le baptême c’est la Vie éternelle.

En termes d’espérance, la deuxième chose à laquelle je pense pour Youri, c’est la réconciliation avec sa famille. Il a eu une vie de famille extrêmement abîmée et ne parlait plus, ni à son frère, ni à sa nièce. Pourtant, quand il est tombé malade, je ne sais plus de quelle façon, mais sa famille a été mise au courant, et son frère est venu le voir, sa nièce, a fait des pieds et des mains pour le retrouver, pour comprendre ce qui c’était passé, pour comprendre cette situation d’exclusion. Ils se sont envoyés des photos, ils se sont écrit, ils se sont téléphoné, … et c’est peut-être dans ces situations où tout est perdu, que justement il n’y a plus rien à perdre, alors on pense à l’essentiel, on se pardonne et on se réconcilie ! ».

Elle conclut : « Pour moi, Youri a trouvé une source de vie à sa façon à travers la foi. Et peut-être que des situations de désespoir permettent d’avoir accès à des choses qu’on espérait plus, qu’on n’avait pas imaginé, et qui se produisent. ».

Grâce à vous, Happy a rejoint l’atelier BOSCO !

Happy est Nigériane. En très grande précarité, elle a rencontré les Captifs en 2021. Au fil des échanges, et portée par l’envie de construire un nouveau projet de vie, elle a choisi de rejoindre l’atelier BOSCO il y a quelques mois. Une femme parmi des compagnons peinture, une première pour les Captifs.

« Quelqu’un m’a donné l’adresse des Captifs de Paris Centre (dans la paroisse Saint-Leu Saint-Gilles, Paris 1er) alors je suis allée voir l’antenne en 2021. A force d’y aller toutes les semaines et de participer aux différents séjours hors de Paris, la travailleuse sociale qui s’occupait de moi m’a proposée de venir à l’atelier BOSCO pour apprendre un métier et travailler. »

L’Atelier BOSCO est l’atelier d’insertion sociale et professionnelle par la peinture sous statut OACAS (Organisme d’Accueil Communautaire et d’Activités Solidaires) créé par l’association Aux captifs, la libération en 2015 Il permet à des personnes en précarité de regagner leur dignité par une activité professionnelle. L’équipe de peintres, encadrée par un chef d’atelier, réalise des travaux de rénovation à Paris et en proche banlieue : peinture des murs, des sols et des plafonds, pose de revêtements, murs, rénovation d’intérieur, nettoyage…Il y a quelques mois encore, les compagnons étaient exclusivement masculins. Depuis, deux femmes ont rejoint l’atelier dont Happy.

« Les autres compagnons m’ont appris comment peindre et comment travailler sur un chantier. Nous commençons par préparer le chantier, notamment en protégeant le sol, puis nous ponçons les murs et enfin nous peignons. J’ai déjà fait quatre chantiers depuis mon arrivée !

Je ne peux pas dire que ce soit facile de rejoindre l’OACAS peinture mais si avec le bon état d’esprit, c’est possible. Il faut avoir le désir de travailler et d’apprendre pour devenir meilleur en peignant. Et puis dans l’équipe, nous nous entendons bien. Nous sommes comme une communauté qui se retrouve tous les vendredis pour un repas tous ensemble !

Si je devais conseiller quelqu’un qui allait rejoindre l’atelier, je lui dirai que les compagnons sont très amicaux. Ils sont prêts à nous apprendre à peindre, si nous le voulons vraiment. C’est très important d’être motivé pour rejoindre l’OACAS.

Pour moi, c’est une chance d’avoir pu rejoindre l’atelier BOSCO ! »