Rétablir la dignité par un regard bienveillant : témoignage de bénévole

Maraude de l'association Aux captifs, la libération

Dans la ville de Nîmes, Aux captifs, la libération s’est donnée pour mission de tendre la main à ceux qui sont souvent laissés pour compte, y compris les personnes les plus vulnérables, comme les personnes sans-abri. Yves, bénévole dévoué au sein de l’association, nous partage son expérience et la manière dont un regard bienveillant peut transformer la vie de ceux qui ont été profondément marginalisés.

Pour Yves, le cœur de l’association repose sur une approche empreinte du regard du Christ envers les personnes les plus rejetées et les plus détruites. Pour ce bénévole, le but ultime est de leur redonner leur dignité d’être humain en leur témoignant une compassion sincère et en posant sur eux un regard qui élève.

Au fil des années, Yves a tissé des liens précieux avec les personnes qu’il rencontre régulièrement lors des tournées-rue (maraudes). Chaque vendredi matin, après la messe, lui et son binôme parcourent les rues pour aller à la rencontre des plus démunis, créant ainsi des liens forts et affectueux avec ceux qu’ils côtoient. Parmi eux se trouve Michel, une personne qui a particulièrement marqué Yves.

Au départ, lorsque Michel fut accueilli par l’équipe de bénévoles, il était complètement en détresse. Cependant, grâce à une présence régulière et à une écoute attentive, les liens se sont renforcés petit à petit, et un an après leur première rencontre, les fruits de cette relation bienveillante étaient déjà visibles.

Seulement, pendant les vacances, Yves s’est absenté quelques semaines. A son retour en tournée-rue, la réaction de Michel l’a profondément touchée : « Tous les vendredis, pendant des semaines, j’ai attendu votre passage ! ».

L’anecdote de Michel souligne la puissance des liens humains et de l’amitié qui peut émerger du bénévolat aux Captifs. Yves affirme que c’est dans ces moments précieux que le royaume des cieux descend sur Terre.

Si le témoignage d’Yves vous touche, n’hésitez pas à rejoindre nos rangs en tant que bénévole. Ensemble, nous pouvons apporter un véritable changement dans la vie de ceux qui ont besoin d’un regard bienveillant et d’une main tendue. Ecrivez-nous à cette adresse : rh@captifs.fr

Crédit photo : Marine Clerc

« J’ai retrouvé goût à la vie ! »  

Amélie, travailleuse sociale, et Abdoulaye, ancien SDF

Abdoulaye a vécu à la rue pendant plus d’un an, dans un square du 20e arrondissement de Paris. Il a été accompagné par notre antenne Saint-Germain-de-Charonne (Paris, 20e), ouverte depuis 2021. Aujourd’hui, cet ancien SDF vit dans notre colocation solidaire Valgiros. Il revient sur les événements marquants de son parcours.

Abdoulaye, malien de 39 ans, est arrivé en France en 2022, après un parcours migratoire de 8 ans, du Mali à la France, en passant par l’Algérie, le Maroc, et l’Espagne. Pendant toutes ces années, il ne rencontrera aucune main tendue.

 « Je rêvais d’une vie meilleure, pour moi en Europe, et pour ma famille, surtout pour ma mère, à qui je voulais envoyer de l’argent. C’est pour cela que j’ai quitté l’Afrique ».

Malheureusement en arrivant en Europe, et particulièrement en France, la réalité est toute autre.  Abdoulaye n’a pas de papiers et ne peut travailler légalement. Par manque de revenus, il se retrouve à la rue.

Pendant 1 an, il vivra dans un petit square près de l’hôpital Tenon dans le 20ième arrondissement de Paris : « J’ai fait de ce square mon refuge, car il y avait suffisamment d’arbres pour me cacher la nuit et dormir. ». Ce refuge, comme il le décrit, est tout ce qu’il y a de plus sommaire, il s’agit d’une simple couverture, dissimulée derrière des feuillages.  Là-bas, les nuits sont parfois très difficiles, à cause du froid, et de la pluie. Mais aussi, à cause de la présence d’insectes, de rats, et d’autres sans-abris parfois alcoolisés et violents. « A la rue, on ne peut pas dormir tranquillement sur ses 2 oreilles, on dort 3 ou 4 heures par nuit maximum, et toujours avec un œil bien ouvert. » explique-t-il.

Tous les matins, pour gagner de quoi se payer à manger, à boire, et parfois quelques vêtements, Abdoulaye se lève à 5h pour aller laver les pares brise des voitures près d’un rond-point de la Porte de Bagnolet (Paris 20e). Il nous confie : « J’avais honte de faire cela, car parfois, par pitié, les gens me donnaient de l’argent sans même que j’ai nettoyé leur voiture. ».

Un jour, 5 mois après son arrivée en France, alors qu’il nettoyait des voitures comme à son habitude, Amelie, travailleuse sociale de notre antenne du quartier – Saint-Germain-de-Charonne – rencontre Abdoulaye en tournée-rue. Ce jour-là, elle lui présente l’association, et lui propose de venir aux permanences d’accueil de l’antenne. Au départ, le jeune homme se méfie. Après un parcours migratoire difficile, il a appris à se débrouiller seul, et ne veut compter que sur lui-même. Au bout de quelques semaines, et au fil des discussions en tournées-rue, Amélie gagne sa confiance et Abdoulaye accepte de venir à l’antenne : « Autour d’une tasse de thé, nous avons joué avec les bénévoles, nous avons beaucoup discuté, et j’ai passé pour la première fois depuis très longtemps, un moment joyeux et apaisant. Depuis, il ne se passe pas une semaine sans que j’aille à la permanence ! ». 

Ainsi, Amélie est devenue sa travailleuse sociale, et grâce à un certain nombre de démarches, elle lui a trouvé une place au sein de la colocation solidaire Valgiros, dans laquelle il a la chance de vivre depuis peu : « J’adore cette maison et ce jardin, je m’y sens bien. Nous partageons des repas chaleureux tous ensemble et l’ambiance est vraiment bonne. Et en plus, tout le monde est gentil et accueillant avec moi. » il ajoute, « Mais j’aime surtout me sentir propre et digne. J’ai retrouvé goût à la vie ! ».  

Valgiros recherche ses prochains résidents volontaires, découvrez encore davantage la colocation solidaire à travers ces témoignages en images et rejoignez-nous : https://www.youtube.com/watch?v=yULuvG-T_Ao

Les oubliés de la République

Le 09 juillet 1849, Victor Hugo prononçait devant l’Assemblée nationale un discours qui entrera dans l’histoire en s’indignant face à la misère grandissante dans notre pays. Près de deux siècles plus tard, la pauvreté telle que décrite à cette époque tend à disparaitre mais la misère perdure encore au sein de la 7e puissance mondiale. Aujourd’hui, face à ce mal qui mine notre société, quelques associations se veulent la voix des sans voix et critiquent l’indifférence dans laquelle se trouvent nos frères et sœurs à la rue. C’est ainsi que s’est formé le Collectif des Oubliés de la République qui réunit quelques associations françaises dont les Captifs. Celui-ci a lancé l’opération #ChaquePasCompte qui a pour but de faire en sorte que nos hommes et femmes politiques effectuent des maraudes régulières avec nos frères et sœurs à la rue sur l’ensemble du territoire national. Cette initiative a pour vocation de faire comprendre à nos responsables politiques les souffrances dans lesquelles vivent les personnes en situation de précarité. Le 06 juillet dernier, le collectif a lancé officiellement cette opération à l’Assemblée nationale. Cet évènement important a captivé l’attention de nombreux médias et le journal Le Monde avec cette tribune que nous vous invitons à découvrir en cliquant sur ce lien : https://www.captifs.fr/wp-content/uploads/2023/07/Tribune-le-monde_.pdf

Bonne lecture !

« Ces personnes cassées par les années de rue ont surtout besoin d’un cadre fraternel pour se reconstruire. »

« Déployons nos ailes » est le premier axe de notre démarche stratégique 2023-2028. Parmi les projets qu’il nous incite à développer, celui de l’hébergement est au cœur des réflexions. Découvrez le témoignage de Véronique Lévêque, directrice de la colocation solidaire des Captifs : Valgiros.

Véronique dirige Valgiros depuis plus de 4 ans. Ce Centre d’Hébergement de Stabilisation (CHS) ouvert en 2010 accueille 21 personnes de la rue et 9 jeunes professionnels ou en fin d’études. « L’idée de ce lieu est de favoriser la mixité sociale de personnes socialement insérées, et de personnes ayant connu la galère pour vivre ensemble, et de permettre aux personnes accueillies de se relever, et de se projeter vers un avenir et un logement pérenne dans les mois ou les années qui viennent… », explique-t-elle. Elle ajoute : « C’est pensé comme un centre de stabilisation, et donc une étape, mais c’est aussi un lieu de vie pour certains qui n’auront pas forcément de solutions adaptées à leurs besoins. On pourra alors les accueillir jusqu’à la fin de leur vie. Ce fut le cas de 2 de nos résidents en 2021. » Au quotidien, les missions de Véronique sont très diverses : administratives et liées aux ressources humaines avec l’accompagnement de l’équipe sociale.

Son rôle essentiel consiste à accompagner et soutenir les volontaires et les personnes accueillies, tout en veillant au bon fonctionnement du vivre-ensemble : « Ces 30 colocataires ne se sont pas choisis. Mon rôle est donc de faire en sorte que tout le monde s’entende bien, qu’il y ait une ambiance de famille, dans un cadre à la fois serein, chaleureux, et sécurisant. » Valgiros est au cœur du premier axe de la démarche « Déployons nos ailes » puisque, dans les différentes réunions qui ont permis de recueillir la parole des personnes – aussi bien accueillis, bénévoles, salariés, que personnes extérieures – est remonté le désir de voir se développer l’hébergement aux Captifs sur le modèle de la colocation solidaire. Aussi, puisque Valgiros a 12 ans aujourd’hui, que ce n’est plus un dispositif d’expérimentation, et que la colocation a fait ses preuves avec des sorties très positives, nous souhaitons permettre à plus de personnes d’en bénéficier. Véronique développe : « Nous savons que le centre répond réellement à des besoins de se resocialiser, de retrouver un rythme de vie, ou de se poser pour se soigner. » Elle complète : « Ces personnes cassées par les années de rue ont surtout besoin d’un cadre fraternel pour se reconstruire. Et malheureusement très peu d’hébergements à Paris proposent des conditions de vie comme à Valgiros qui favorisent cette fraternité indispensable à la reconstruction. » Dans cette logique de développement, les Captifs souhaitent créer un pôle hébergement qui regroupera à l’avenir, l’actuel Valgiros et 2 nouvelles colocations – en projet -. L’une à l’attention des femmes en sortie de rue ou de prostitution, et l’autre probablement pour des personnes vieillissantes, en perte d’autonomie, là encore en sortie de rue ou de prostitution. Plusieurs pistes sont envisagées. Ces projets devraient ouvrir leurs portes à partir de 2026. Le pôle comprendra aussi l’accompagnement d’Hiver Solidaire, œuvre du diocèse de Paris qui permet d’héberger les personnes de la rue au sein des paroisses pendant l’hiver, et dont les travailleurs sociaux sont salariés des Captifs.

Merci aux fondations Alter & Care, JM Bruneau et Notre Dame, et au Fonds Saint Christophe pour le soutien de ce projet.

Actu : Inauguration du nouveau jardin de Valgiros

Le 14 juin, la colocation solidaire a inauguré son nouveau jardin. Effectivement, les résidents ont la chance d’avoir un jardin au cœur du 15e arrondissement de Paris, seulement, ce dernier n’était pas tout à fait adapté aux besoins des colocataires et demandait un réaménagement.

Mathilde Tieleman, architecte paysagiste s’est donc proposée de repenser gracieusement le jardin de Valgiros pour lui apporter un renouveau. « Être dans un jardin, c’est retrouver la nature, notre maison commune. Un jardin c’est l’évocation de tout ce qui relie les humains : être environné de végétaux, les observer croître, entendre le bruit du vent dans les feuilles, le chant des oiseaux après la pluie, le bourdonnement d’une abeille, toutes ces sensations simples permettent à chacun de se sentir chez soi, car la nature est pour tous sans distinction. Il me semble que les personnes qui ont vécu des moments d’exclusion dans leur histoire ont besoin de trouver un jardin où être chez soi. Aussi, jardiner permet à chacun de prendre soin du vivant, d’accompagner les plantes en veillant à l’irrigation, la taille, le désherbage : tous ces gestes nécessitent de se projeter dans l’avenir et donnent peu à peu une forme au jardin. De plus, les belles rencontres que j’ai faites à Valgiros ont été pour moi source d’inspiration. Les résidents, avec leurs compétences multiples, et les bénévoles pleins d’énergie ont été déterminants pour lancer ce projet. Les chantiers participatifs ont été de vrais moments de partage où j’ai été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme. », nous explique-t-elle. Depuis que le nouveau jardin est terminé, les résidents sont très enthousiastes, comme Arthur, personne accueillie, qui témoigne ainsi : « Le jardin, ça permet de nous retrouver, on va pouvoir prendre de bons déjeuners dehors au milieu des arbres. ».

Merci aux Fondations Masalina et Franck Giroud pour leur soutien à ce projet.

Valgiros recherche ses prochains résidents volontaires, découvrez encore davantage la colocation solidaire à travers ces témoignages en images et rejoignez-nous : https://www.youtube.com/watch?v=yULuvG-T_Ao

Un centre d’hébergement à part : Valgiros

Valgiros est le Centre d’Hébergement de Stabilisation (CHS) des Captifs qui offre aux personnes en grande précarité, un espace pour se reconstruire et trouver une nouvelle autonomie, en colocation avec des volontaires, souvent jeunes professionnels ou étudiants.

Cette coloc’ solidaire accueille 21 personnes et 9 volontaires.  Ces derniers s’engagent à oser l’aventure du vivre ensemble pour 1 an minimum. Ils partagent la vie quotidienne des résidents (repas, tables ouvertes, tâches ménagères…), tout en construisant des relations de confiance fondée sur la bienveillance et la fraternité.

Et pour la rentrée 2023, les résidents recherchent de nouveaux colocataires ! Alors pour l’occasion, ils prennent la parole et vous présentent leur coloc qui sort de l’ordinaire :

Grâce à vous, Solange fait de petits pas !

Chaque semaine, les bénévoles de l’antenne de Lyon tiennent un accueil de jour. C’est dans ce lieu que Martine a fait la connaissance de Solange.

Solange, abandonnée à la rue depuis une trentaine d’années, sillonne Lyon en trottinette avec de nombreux sacs pendus à son guidon. Ses blessures d’enfance cumulées à la rudesse de sa vie font qu’elle est en auto-protection, facilement irritable, volontiers agressive !

Elle partage ses journées entre les centres d’accueil et les églises, principalement Saint Nizier, où elle dit y trouver paix et beauté. Elle assiste à beaucoup de messes et d’offices. C’est ainsi qu’elle découvrit accolé à l’église, en novembre 2021, l’existence de l’accueil des Captifs, le jeudi après-midi, qui venait d’ouvrir.

C’est toujours avec empressement que nous la voyons arriver. Ses activités préférées étant le goûter, les dessins et le coloriage. Au début, elle arrivait avec une docilité toute relative quant aux rituels que nous avons mis en place comme le lavage des mains et dire bonjour avant de faire quoi que ce soit ! Mais elle les accepta, surtout l’hygiène qu’elle affectionne sachant que sa vie l’en prive.

La salle d’accueil est composée de plusieurs tables qui servent aux jeux de société ou aux bavardages, et puis il y a la table atelier de dessin. Jusqu’au mois dernier, Solange fut seule à pratiquer cet art ! Chaque jeudi deux heures et demie de dessin.

Ses dessins et coloriages sont aussi délicats et fins que sa vie est rude, et la table atelier est devenue son territoire. Seulement voilà ! Céline arrive ! Aussi du monde de la rue et fortement alcoolisée !

Attirée par les coloriages et mandalas, Céline demande si elle peut dessiner. Pour avoir accès aux crayons de couleurs il va falloir que Solange accepte le partage. Rien qu’au regard de Solange nous avons compris que Céline n’était pas la bienvenue ! Mais ça se passe !

Le jeudi suivant, Céline revient et cherche à retrouver son dessin non terminé la semaine précédente, ne le trouvant pas, en prend un autre puis s’installe à la même table que Solange, comme la dernière fois. Solange se lève, me rejoint près du buffet. Elle me dit que Céline est «une garce», qu’elle n’est pas prête de l’oublier : « je suis rancunière, je la déteste, tu verras je me vengerai et ma vieille elle va en baver » !

Puis elle prend son goûter et va bouder à une autre table. Au bout d’une bonne heure, tandis que je jouais aux cartes, je la vois s’approcher de moi avec dans la main le dessin que Céline cherchait. Je la remercie et la complimente sur sa soudaine ouverture. C’est alors qu’elle nous dit : « Moi, je sais pas partager, j’ai pas appris, c’est pas comme vous qui avez eu une bonne maman, moi j’ai eu une mauvaise maman, méchante, très méchante, et c’est pas de chance ! alors j’y arrive pas ! Ce n’est pas mon truc le partage ! ».

Je lui réponds : « ce n’est pas grave Solange, ici tu as une famille de cœur, et avec la confiance qui s’installe peu à peu tu vas y arriver ! Je vais acheter d’autres crayons de couleurs et quand des « passagers* » souhaiteront dessiner c’est toi qui leur donneras et les installeras, avec ce qui leur faut.»

Et depuis il y a trois autres dessinateurs et tout se passe chaleureusement bien. Bravo Solange !


*Certaines associations lyonnaises utilisent le terme de « passager » pour désigner les personnes accueillies.


Texte écrit par Martine, bénévole de l’antenne de Lyon.

Ils s’engagent avec nous : Amy Lovberg, testatrice pour les Captifs

Amy Lovberg a décidé de désigner les Captifs comme bénéficiaire sur son testament. Elle nous explique pourquoi et nous la remercions infiniment pour ce témoignage.

« J’ai eu la chance inouïe de naître dans une famille unie, financièrement confortable ; d’avoir des moyens de poursuivre une éducation qui aboutirait à une profession stable; d’exercer librement ma vocation d’enseignante; d’exprimer et vivre ma foi sans contrainte, et d’être citoyenne d’un pays où, arrivée à la retraite, je pourrais m’asseoir confortablement et manger à ma faim avec un toit au-dessus la tête. Tout cela est arrivé « par chance » et je ne l’ai pas spécialement « mérité ».Monsieur-Madame Invisible-de-la-Rue, celle/celui “dont on détourne la face” si spontanément, qui dérange trop souvent notre confort visuel, olfactif, et auditif, celle-là, celui-là n’a pas eu cette même “chance”.

Tenter d’équilibrer les “chances” est illusoire: un legs ne résout rien des inégalités entre nous. Mais le geste est une main tendue, ouverte, encourageante; un geste d’invitation à des frères et sœurs de la rue ainsi que des frères et sœurs plus fortunées dans la vie de se rencontrer et d’expérimenter le salut : la libération de nos captivités respectives.

Depuis très jeune, sans pouvoir le formuler explicitement, j’ai compris que chaque homme et chaque femme était égal(e) en dignité, en grâce et en potentiel humain. L’homme/la femme de la rue avec les jambes enflées et bandées; le/la titubant(e) qui tend la main pour une pièce; le/la recroquevillé(e) endormant(e); le/la personne “diogène” avec son caddie débordant– bref, tous ces humains invisibles ou marginalisé(e)s dans le paysage de nos chemins quotidiens, ont absolument la même dignité et la même valeur que le Président de la République, le meilleur joueur du foot, ou le Pape.

J’ai fait la découverte aussi, que nous tous, nous avons besoin de libération: Monsieur/Madame Laissé-pour-compte, le Pape, le dernier gagnant aux Oscars et … moi. Cette libération – de la peur, de l’angoisse, de cette menace du non-sens que vit notre monde– sera une libération pour nous tous et chacun(e). Fortuné(e)s et moins. Elle viendra primordialement, si ce n’est pas exclusivement, par une véritable rencontre de personnes qui se savent mutuellement dépendantes l’une de l’autre, mais aussi, mutuellement responsables. Nous, donc, les plus fortuné(e)s dépendent de ces frères et sœurs dans la rue autant qu’ils dépendent de nous pour devenir libres. L’année dernière à ma retraite et en préparant mon testament, j’ai décidé que tous mes avoirs seraient légués à des associations qui vivent la bonne nouvelle de la “libération des enchaîné(e)s” et travaillent à cette fin. Aux captifs, la libération incarne cette œuvre.

Mes avoirs ne peuvent pas me libérer, me sauver dans ce monde. Mais mon lien avec l’autre, aussi démuni qu’il soit matériellement, le peut. Je n’ai pas d’illusion que ces avoirs vont sauver mes frères et sœurs de la rue. Peut-être, pourtant, qu’ils permettront à ces marginalisé(é)s de la vie de connaître par le truchement des “Captifs” leur dignité et leur valeur. Dans un échange d’humanité où l’on s’offre mutuellement ce que nous avons de plus noble, de plus digne, et de plus beau de notre humanité, (le temps, l’amitié, l’attention), là, peut-être, je peux trouver mon salut. Ma libération. »

Amy Lovberg

La soirée « Changer par le don »

Le 27 mars 2023, les Captifs ont participé à l’évènement « Changer par le don » au Collège des Bernardins.

Le mouvement « Changer par le don » est la première initiative française incitant les personnes qui le souhaitent à consacrer 10% de leurs revenus annuels ou de leur patrimoine à la philanthropie, ils deviennent alors signataires. Et depuis 3 ans, ils organisent une soirée annuelle, en réunissant les philanthropes et donateurs particuliers ainsi que 10 associations lauréates pour présenter chacune un projet.

Et cette année, les Captifs ont été sélectionnés pour présenter les Parcours de Sortie de Prostitution (PSP). Gilles Badin, directeur du Pôle Prostitution, a raconté l’histoire de Joy, victime de Traite des Êtres Humains, avec beaucoup d’émotion.

« Alors qu’elle n’a que 19 ans, pour fuir la misère de son village au Nigéria, Joy fait confiance à une amie qui lui promet un travail de coiffeuse en France. Commence alors un parcours de migration de 2 ans horrible, à pied, parfois entassée dans des camions. Dans les déserts, Joy voit des personnes mourir de soif. Au Niger, elle passe les frontières de nuit sans passeport. En Lybie, elle se fait violer. En méditerranée , elle voit 2 personnes se noyer sous ses yeux. Et quand enfin elle arrive en France, celle qu’elle croyait croit être son amie la retrouve, et lui explique qu’il n’y a pas de salon de coiffure et qu’elle doit rembourser une dette de 50 000€ en se prostituant.

Joy réalise alors qu’on lui a menti et qu’elle est victime d’un réseau mafieux de Traite des Êtres Humains.

J’ai rencontré Joy lors d’une des maraudes quotidiennes au Bois Vincennes. Avec les bénévoles et les salariés, nous la rencontrons comme une amie, mais comme une véritable amie cette fois-ci. »

Grâce à sa présentation, l’association a récolté la somme de 106 600 euros, plus que la somme espérée en préparant cette soirée . Avec cet argent, les Captifs vont pouvoir développer les PSP et permettre à davantage de personnes de quitter la prostitution et de se reconstruire.

Les Captifs au Frat’

Le Frat est un pèlerinage annuel pour les jeunes, à l’invitation des Évêques d’Ile-de-France. Tous les 2 ans, les lycéens se retrouvent pour ce temps fort à Lourdes, et cette année ils étaient 9000 ! Tous sont venus pour prier, chanter et réfléchir sur le thème « N’ayez pas peur« . Les Captifs étaient présents pour témoigner de la beauté de la rencontre ! Jean-Marie et Charlotte, salariés de l’association, vous racontent leur séjour.

« Le premier jour, les groupes sont arrivés petit à petit dans la matinée par le train. Tout a commencé par une célébration d’accueil à la Basilique Saint-Pie X pour se mettre dans l’ambiance ! Quelle joie de voir défiler les jeunes entrant dans la Basilique par groupe, avec leurs étendards, leur signe distinctif et leur mascotte !

Nous avons ensuite installé notre stand à Frat’Avenue au milieu des autres associations que nous connaissons bien pour certaines : Secours Catholique, le Centre de Recherche et d’Action Sociale (CERAS), Le Rocher, le parcours Alpha, le CCFD, la MECI (mission des étudiants d’île de France). Joie de rencontrer des jeunes et d’échanger avec eux autour de la mission des captifs, de revoir des têtes connues parmi les animateurs du Frat et de rencontrer d’autres assos présentes que l’on connaît moins ! 

Le deuxième jour a commencé par un temps d’enseignements autour du thème et louange avec le groupe Be Witness dans la Basilique souterraine. Le chant « Resuscito » a fait trembler les murs de la Basilique ! 

L’après-midi, nous avons témoigner en deux temps devant des groupes du 75, 77 et 91 autour du thème du Frat de Lourdes 2023 « N’ayez pas peur ! ». Même si les jeunes étaient fatigués, ils n’ont pas manqué de poser des questions et la salle était comble .

Le matin du troisième jour, nous avons assisté à la messe avec pas moins de 200 prêtres !

Et l’après-midi encore, nous avons animé un temps de témoignages auprès des jeunes du 78 super motivés : 30 minutes de questions en plus de notre témoignage, autour de l’accompagnement des personnes, de l’approche chrétienne des Captifs et de la prostitution.

Réveil un peu plus matinal pour le dernier jour pour démarrer sur les chapeaux de roue avec un 1er témoignage à 9h devant les jeunes et leurs animateurs du 94 et du 95.  Et enfin, 5e et ultime témoignage de la semaine devant les jeunes du 92-93. Nous aurons témoigné en tout devant 400 lycéens !

Avant de prendre notre train, nous sommes passés une dernière fois à la grotte des apparitions où nous avons prié pour les intentions et les personnes qui nous ont été confiées. Quelle belle semaine ! »