L’importance de la mémoire chez les personnes en situation de précarité

Laury Lesueur est psychologue clinicienne, chargée de mission en addictologie depuis 2016 aux Captifs. Elle intervient sur le pôle précarité de l’association. Particulièrement exposée à la question de la mémoire avec les personnes accueillies, elle nous explique comment les accompagner dans une démarche résiliente.

Son travail s’articule autour de 4 missions. La première est la rencontre des personnes sur les temps d’accueil, pouvant être ensuite prolongée par un accompagnement individuel pour celles qui le souhaitent. La deuxième est le développement du partenariat avec les structures médicosociales spécialisées en addictologie. La troisième est l’accompagnement des bénévoles référents alcool. Et enfin, la quatrième mission de Laury est la formation des partenaires et des équipes internes aux questions d’addictions, de précarité et de santé mentale.

Les personnes rencontrées ont connu des expériences les ayant exposées à la violence psychologique et physique, à des accidents de vie, à des abandons et à des ruptures qui les ont fragilisées sur plusieurs aspects de leur identité et ont entamé leurs ressources à y faire face. Ces expériences ont généré une souffrance psychologique, pouvant aller jusqu’au développement de troubles psychiatriques.

Les traumatismes liés à ces expériences amènent les individus à mettre en place des défenses psychiques, plus ou moins opérantes. La mémoire qui se veut structurante, permettant de s’ancrer et d’écrire son histoire peut devenir source de souffrance et de troubles.

A la rue, 30% des personnes ont été confiées à l’Aide Sociale à l’Enfance… Comme nous l’explique Laury, « c’est le début d’une vie compliquée psychiquement à un moment où l’on construit des ressources pour faire face au monde ». Elles se construisent donc avec déjà des vulnérabilités. Certaines personnes arrivent à y faire face, d’autres non. Elles vont accumuler des accidents de vie, des problèmes d’insertion sociale et professionnelle. Cette accumulation d’épreuves met à mal l’individu et génère une souffrance supplémentaire liée à la violence d’origine sociale (la disqualification sociale).

« Stimuler la mémoire pour rechercher des ressources d’espoir et d’avenir »

« Notre rôle est d’aider la personne à expérimenter des relations dans lesquelles elle est reconnue en tant que sujet et respectée dans toute sa dimension. Ainsi, pourra-t-elle se réapproprier et /ou acquérir une confiance en elle, puis mobiliser ses ressources afin de se mettre en mouvement et amorcer une démarche résiliente. » 

 « On va stimuler cette mémoire pour chercher des sources d’espoir et d’avenir permettant d’écrire une nouvelle page de leur histoire » nous raconte Laury. L’idée est de puiser dans ce qu’elles peuvent mobiliser pour aller de l’avant et ne pas être condamnées à être enfermées dans un ici et maintenant, sans perspective, condamnées à la survie qu’impose la vie à la rue. Il s’agit de la mémoire vivante, celle qui permet d’accueillir de nouvelles expériences, d’être dans une posture résiliente. Et cela est possible, en partie grâce à l’altérité que l’on va proposer dans les rencontres, mais également grâce à la fidélité et à la gratuité de cette présence. Dans ces rencontres, « l’individu est sujet et quand je suis sujet, je peux désirer, je peux être acteur » conclut Laury.