« Si nous avons un seul et même père, alors par définition nous sommes frères. »

Sophie en pèlerinage à Lourdes

Sophie Baché-Cougnon est directrice du Pôle Développement au sein de l’association Aux captifs, la libération. Sa mission consiste, notamment, à accompagner la naissance d’antennes dans toute la France, voire à l’international. Elle est également engagée, à titre bénévole, auprès des personnes en situation de handicap. Dans ce témoignage, Sophie nous parle de fraternité.

« Ce thème résonne en moi comme une évidence ! Avec les chrétiens, quelle que soit notre origine, nous pouvons le dire de façon explicite quand nous prions le Notre Père : « NOTRE » Père. Si nous avons un seul et même Père, alors, par définition, nous sommes frères et sœurs !

Parfois cela est moins explicite, avec les croyants d’autres religions, cependant si nous croyons tous à un Dieu unique, alors il semblerait bien que nous soyons là aussi frères et sœurs, implicitement. Le fait de ne pas l’exprimer ainsi dans la prière avec d’autres non croyants, ne change rien au fait que croyants ou pas, nous ayons bien un seul et même père-créateur. Une évidence donc, mais pas facile à vivre concrètement au quotidien… .

Au moment de l’eucharistie, quand je suis assise sur le banc et que passe à côté de moi la file de ceux qui vont communier, j’aime regarder chacun d’eux et me dire : « voici mon frère, voici ma sœur » : en effet, c’est bien parce que nous sommes frères et sœurs ayant un même père que nous partageons ce repas sacré de l’eucharistie comme un repas de famille.

Comme tous les salariés des Captifs, je suis également bénévole sur les tournées-rues (maraudes) et suis habitée à cette réalité quand je vais à la rencontre des personnes à la rue : en m’approchant, j’essaie de me rendre cette réalité présente en me disant : « celui-ci est mon frère », cela m’aide à « passer outre » la différence qui objectivement nous habite, surtout quand la personne est particulièrement mal en point, physiquement ou mentalement. Cela m’aide à me rapprocher quand l’apparence met de la distance entre nous. « Celui-ci est mon fils bienaimé, en qui je trouve ma joie » (Matthieu3-17) est aussi un verset qui me vient. Pour moi, rendre ainsi présente à mon esprit notre fraternité, rend plus facile la rencontre et le désir de rencontrer l’autre comme un frère, de l’accueillir tout en me dévoilant aussi moi-même.

J’ai, par ailleurs, eu l’expérience d’une personne de la rue qui m’a réconfortée quand j’ai pu sembler préoccupée. Je me souviens de Jacques, qui m’a vraiment réconfortée quand j’ai dû interrompre une tournée-rue pour prendre ma fille au téléphone qui avait eu un accident de scooter au Vietnam. Quand je suis retournée auprès de lui, un peu accablée, il a su trouver les mots justes et se montrer très compatissant.

Cette même expérience, je la retrouve avec les personnes en situation de handicap mental, celles que je côtoie à l’association Trisomie 21, dont je suis membres, ou à L’arche de Jean Vanier où j’ai travaillé 7 ans auparavant. A l’Arche, le handicap mental donne à rencontrer une altérité toute autre : l’autre vit une expérience qui m’est inconnue, je ne peux pas imaginer ce qu’est vivre avec un handicap mental. Je ne peux pas imaginer comment l’autre perçoit le monde, évidemment cela est vrai pour toute personne mais ça l’est encore plus avec le handicap mental : l’autre est mystère.

Et malgré cette différence, cette altérité fondamentale, nous sommes frères, frères et sœurs capables de rire et pleurer ensemble, de construire ensemble des projets. Je peux trouver là aussi une ressource en ce frère soucieux de moi. J’ai souvenir en Inde, à L’Arche Chennai, d’un homme indien dont j’ai malheureusement oublié le prénom, qui était le seul chrétien de la communauté et qui a semblé comprendre mon désarroi alors que je ne savais comment aller à la vigile pascale. Il m’a simplement prise par la main et conduite à l’église pas facile à trouver ! Au départ je n’ai pas trop compris où il me conduisait mais quelque chose m’a invitée à lui faire confiance. Quelle joie pour lui et pour moi quand j’ai vraiment compris en voyant le clocher et ses guirlandes électriques multicolores. Il était tellement heureux de voir mon visage s’éclairer. Nous avons ri ensemble et vécu la célébration main dans la main. ».