« Notre travail demande d’avoir de l’espoir pour les aider à se raccrocher à de petites choses »

Youri et Hélène en septembre 2020.

Témoignage d’Hélène Lamarque, responsable de l’antenne Lazare (Paris 16ème) depuis janvier 2022. Antenne qui accompagne des personnes en situation de prostitution, rencontrées au bois de Boulogne en tournée-rue. Dans ce témoignage, Hélène nous explique en quoi l’espérance est au cœur de ce qu’elle vit aux Captifs.

Aujourd’hui, en tant que responsable d’antenne, la mission principale d’Hélène est de mettre en œuvre le projet Captifs sur le secteur géographique de l’antenne, en animant et en organisant la vie de l’équipe :  les permanences, les tournées-rue, les sorties, etc,. Elle apporte aussi une vision en termes d’accompagnement et de spiritualité.  

Auparavant, Hélène était travailleuse sociale pendant presque 4 ans au Centre d’Hébergement de Stabilisation (CHS) Valgiros, un lieu pour « se poser et se reposer et donc se stabiliser après la rue ». Là, sa mission était d’accueillir et accompagner les 21 résidents dans leur accompagnement global : santé, insertion, dynamisation, d’ouverture des droits, etc.

Pour Hélène, le thème de « l’espérance quand tout est perdu » résonne particulièrement : « Je réalise que dans notre travail, on ne rencontre pratiquement que des situations qui nécessitent l’espérance, car il s’agit souvent de situations désespérées : désespoirs de rue, de prostitution, d’insertion, de solitude, etc. Dans ces situations, notre rôle de travailleur social c’est un peu de raccrocher ces personnes qui n’ont plus envie de rien, à la vie.  Alors, notre travail demande d’avoir de l’espoir, de l’espoir pour les aider à se raccrocher à des petites choses, à des petits objectifs « très humains », et d’avoir de l’espérance quand il est impossible de se raccrocher à ces petites choses. A ce moment-là, il faut aller chercher plus loin, il faut cheminer avec la personne. Parfois je me dis que notre boulot, c’est un peu comme faire une transfusion, comme si nous transpirions d’une foi et d’une espérance suffisamment fortes pour leur redonner ce gout de vivre. ».

Et quand Hélène pense à l’espérance, elle pense en particulier à un certain Youri qu’elle a accompagné à Valgiros : « Youri, je le connaissais très bien, puisque j’ai été son assistante sociale puis sa marraine et ce thème de l’espérance quand tout est perdu me fait énormément penser à lui. Effectivement, quelques années après son arrivée à Valgiros il est tombé malade et progressivement, il a compris qu’il allait mourir. Atteint d’un grave cancer, on ne lui prédisait plus que quelques mois à vivre, mais les quelques mois se sont transformés en deux ans de combats contre la maladie. Deux ans de combats et d’acceptation. Je crois qu’il faut être fort pour espérer dans la durée, mais c’est aussi en espérant qu’on devient fort… ou plutôt qu’on laisse Dieu être fort en nous. Cela est possible si on s’ancre à quelque chose ou à quelqu’un dans la fidélité indéfectible. Assez vite, il a décidé de se préparer au baptême et je pense que cela répondait à une soif spirituelle de préparer l’après, c’était une source d’espérance. Quand la mort se présente, il y a d’autres formes de vie qui se présentent, et le baptême c’est la Vie éternelle.

En termes d’espérance, la deuxième chose à laquelle je pense pour Youri, c’est la réconciliation avec sa famille. Il a eu une vie de famille extrêmement abîmée et ne parlait plus, ni à son frère, ni à sa nièce. Pourtant, quand il est tombé malade, je ne sais plus de quelle façon, mais sa famille a été mise au courant, et son frère est venu le voir, sa nièce, a fait des pieds et des mains pour le retrouver, pour comprendre ce qui c’était passé, pour comprendre cette situation d’exclusion. Ils se sont envoyés des photos, ils se sont écrit, ils se sont téléphoné, … et c’est peut-être dans ces situations où tout est perdu, que justement il n’y a plus rien à perdre, alors on pense à l’essentiel, on se pardonne et on se réconcilie ! ».

Elle conclut : « Pour moi, Youri a trouvé une source de vie à sa façon à travers la foi. Et peut-être que des situations de désespoir permettent d’avoir accès à des choses qu’on espérait plus, qu’on n’avait pas imaginé, et qui se produisent. ».