Notre approche pour la prise en compte des consommations d’alcool : la RDR A

 

Depuis 2015, les Captifs expérimentent de nouveaux outils d’accompagnement des personnes de la rue « dans l’alcool ». L’arrêt des consommations, bien que pouvant être un objectif, n’est pas la seule finalité possible à l’accompagnement. Il s’agit d’accompagner les personnes dans la maîtrise de leurs consommations afin d’en limiter les conséquences.

Tout l’enjeu est de permettre à la personne d’agir sur sa qualité de vie que ce soit avec ou sans consommations d’alcool.

 

 

Alcoolisme et dépendance ©Géraud BosmanLes limites d’un sevrage imposé : la ré-alcoolisation

La proposition unique consistant à orienter les personnes vers l’abstinence via un sevrage a montré ses limites (Le taux de rechute après une cure est de 90%*). Cette approche abstinentielle est plus le plus souvent imposée aux personnes sans être une démarche réellement souhaitée. Elle entraîne souvent des ré-alcoolisations qui sont compliquées à gérer pour les personnes et les équipes qui les accompagnent. Elles peuvent être destructrices et engendrer chez la personne un cercle vicieux dont il parait impossible de sortir. Les sevrages à répétitions sont donc anxiogènes et ont des conséquences en termes de santé. Inadapté à leur réalité de vie certaines personnes de la rue refusent catégoriquement l’hôpital et le modèle sevrage et soins de suites.

Aux Captifs, la Libération a décidé de développer une autre façon d’appréhender la question de l’alcool avec les personnes de la rue dans le cadre de l’accompagnement global qui leur est proposé. L’association s’appuie pour cela sur la Réduction Des Risques liés à l’Alcool (RDR-A).

Cette approche est opérante à travers le Programme Marcel Olivier et le Centre d’hébergement et de stabilisation Valgiros.

 

* J.M. Polich, D. J. Armor, and H. B. Braiker, “Stability and change in drinking patterns,” in The Course of Alcoholism: Four Years After Treatment (New York: John Wiley & Sons, 1981) pp. 159-200

 

Accompagnement dans l'alcool ©esprit-photo.comL’expérimentation de la Réduction des Risques liés à l’Alcool, RDR A

Depuis 2016, l’association expérimente cette proposition d’accompagnement avec le soutien d’un consultant expert en RDR A.

 

Définition de la RDR-A

La RDR A est une approche qui se développe depuis quelques années dans le domaine de l’addictologie. Elle consiste à agir sur les risques qui peuvent découler de certaines pratiques de consommation d’alcool et sur ces pratiques elles-mêmes. Elle considère que toute consommation vise à obtenir des effets bénéfiques pour la personne, que ce soit sur un plan somatique, psychique et social. Or, cette recherche et/ou obtention d’effets bénéfiques peut faire subir à la personne des effets négatifs non désirés. La RDR-A a pour objectif d’accompagner chaque personne consommatrice d’alcool, quelles que soient ses pratiques, pour qu’elle puisse agir afin de réduire les effets négatifs associés.

 

Ainsi, on change le prisme d’approche, on ne focalise plus sur la cause mais plutôt sur les conséquences, positives et négatives de la consommation d’alcool.

 

Cette approche permet d’offrir plusieurs choix possibles à la personne, et non plus seulement une seule réponse : l’arrêt total de la consommation d’alcool. La RDR-A pourra alors être, pour certains, une étape vers l’abstinence, pour d’autres, un moyen d’arriver à une consommation d’alcool dite « maîtrisée ». Pour d’autres encore, elle sera un moyen de réduire les risques d’aggravation de dommages somatiques déjà enclenchés. Pour d’autres enfin, elle consistera uniquement à sécuriser des pratiques de consommation qui peuvent, à la rue notamment, mettre en difficulté, voire en danger la personne. Dans tous les cas, il s’agit d’un choix éclairé et librement consenti de la personne, non soumis à des contraintes extérieures.

 

L’objectif de la RDR A, est d’accueillir l’individu dans sa singularité, en prenant en compte les fonctions que peut avoir sa consommation, les risques et les dommages que cela entraîne. Ainsi, la personne et les professionnels peuvent les prendre en compte pour agir dessus. Cette démarche permet d’identifier les besoins propres à chacun et de les accompagner, en respectant leur temporalité, leurs difficultés, leurs ressources et leurs spécificités.

Elle vise à agir sur la qualité de vie des personnes et prendre en compte les consommations d’alcool dans un accompagnement global.

 

Accueil avec alcool : l’expérimentation au CHS Valgiros

Les Captifs ont expérimenté cette approche dans leur centre d’hébergement et de stabilisation, Valgiros. La nécessité d’appréhender différemment les consommations d’alcool des personnes hébergées est partit des constats suivants :

 

  • Le sujet de l’alcool était tabou car les consommations d’alcool étaient interdites dans le centre. De fait l’équipe sociale ne parvenait pas à appréhender cette réalité alors qu’elle constitue une problématique majeure qui empêche les personnes de se projeter.
  • Cet interdit engendrait chez les personnes des stratégies pour organiser leurs journées en fonction de leurs consommations d’alcool. Elles n’étaient donc pas disponibles pour une démarche d’accompagnement.
  • L’alcool était pourtant omniprésent notamment parce que les personnes consommaient de l’alcool en se cachant.
  • L’interdiction entrainait également des hyper-alcoolisations avant d’entrer dans le centre ce qui contribuait à générer des problèmes de voisinage, des tensions, des violences, en conséquence des obligations de mise à l’écart…
  • Enfin, aucune loi n’interdit à une personne de consommer dans son domicile. Cette démarche a donc contribué à remettre les résidents dans le droit commun.

 

A l’issue d’une expérimentation qui a duré un an et demi, l’alcool est présent dans le lieu, dans les espaces privés et collectifs, et dans les pratiques d’accompagnement des professionnels. Le règlement intérieur a été modifié en conséquence en accord entre l’équipe et les résidents.

Parmi les résultats observés, nous relevons :

  • Un apaisement du quotidien des personnes accueillies.
  • Un effet global sur l’estime de soi des personnes.
  • Une meilleure disponibilité des personnes pour se soigner ou avancer sur d’autres sujets.
  • Une amélioration qualitative de la relation d’accompagnement.

 

L’Espace Marcel Olivier (EMO)

 

Ce projet bénéficie du soutien financier de la Fondation Bettencourt Schueller qui souhaite ainsi contribuer à la consolidation d’un accompagnement dans la durée des personnes sans-abri alcoolodépendantes. 

 

Découvrez nos actions pour les personnes souffrant d’addictions :

 

Consultez également les articles qui traitent de ce sujet :