Situé dans le 9ième arrondissement de Paris, L’Espace Marcel Olivier (EMO) est un lieu d’accueil unique pour les sans-abri alcoolodépendants. Il autorise la consommation d’alcool en intérieur, en les accompagnant de manière gratuite et inconditionnelle.
Aux captifs, la libération a choisi une autre voie que l’approche purement médicale pour faire émerger une demande de suivis dans un accompagnement addictologique : l’entraide, la convivialité, la confiance mutuelle, la « fraternité Captifs ». C’est sur ces grands principes que s’est construit l’Espace Marcel Olivier.
Bière ou café au petit-déjeuner ? Pour les SDF accueillis chaque matin dans un centre, le choix n’est pas si simple. Il est 9h, certains décapsulent leurs premières canettes de bière, tandis que d’autres se saisissent d’un café. Pain et brioches sont vite entamés, sans oublier le saucisson, le fromage ou les œufs. « Un petit-déjeuner adapté et qui tient au corps », explique Léo Cloarec, responsable de l’Espace Marcel Olivier, pour « combler les carences créées par l’alcool, notamment en vitamines ».
Consommation d’alcool autorisée
Ce lieu d’accueil unique géré par les Captifs reçoit quotidiennement 30 à 35 sans-abri, tous alcoolodépendants, et autorise la consommation d’alcool en intérieur, en les accompagnant de manière gratuite et inconditionnelle. Une démarche encore très rare en France.
« En créant du lien, l’alcool médicament devient de moins en moins nécessaire »
Une « béquille »
« Les gens viennent d’abord pour trouver de la convivialité et vivre des moments de joie », souligne Léo Cloarec. « En créant du lien, l’alcool médicament devient de moins en moins nécessaire ». L’EMO ne désemplit pas, on s’y salue de façon amicale et systématique. Parties de cartes et de Mikado s’enchaînent.
« Certains vont jusqu’à consommer 20 à 25 canettes de 50 cl chaque jour. Ils se lèvent et ont des tremblements à cause du manque », regrette Léo Cloarec. À l’EMO, on joue sur une « approche non-médicalisée de sécurisation et de stabilisation, qui permet de ne pas se retrouver en manque d’alcool, et de ne pas se suralcooliser non plus », précise-t-il.
François Brégou, responsable du pôle précarité des Captifs, explique que la consommation d’alcool est proscrite aux SDF dans la majorité des centres d’hébergement, qui « soutiennent l’abstinence coûte que coûte alors que l’alcool est leur béquille ».
« Une deuxième famille »
Radek, un Polonais de 39 ans, s’active en cuisine : il est chargé de la préparation du repas du midi. « J’adore cuisiner, c’est ma passion. Et comme ça, je n’ai pas le temps de boire ». Outre la cuisine, d’autres activités sont proposées : ateliers d’expression, comme peinture ou collage. « L’objectif est de valoriser leurs compétences pour qu’ils retrouvent confiance en eux », soutient Léo Cloarec.
Jean-Claude, son truc à lui, c’est le théâtre. « C’est génial, ça donne l’impression d’exister, d’appartenir à un groupe », dit-il. « Ma plus fidèle amie c’est la boisson, mais ici, c’est un peu comme une deuxième famille ».
Il faut les accepter telles qu’elles sont, et les traiter avec respect et considération.
« Ici, on ne se sent pas marginalisés », confie Khalil. Dans la rue, ces personnes ont perdu « une part de leur humanité », explique François Brégou. « Il faut les accepter telles qu’elles sont, et les traiter avec respect et considération ». L’Espace Marcel Olivier leur offre la possibilité de retrouver un cercle social et de l’estime de soi après une errance parfois longue et violente. À terme, ses portes devraient s’ouvrir également l’après-midi pour renforcer l’accompagnement des SDF alcoolodépendants.