A la rencontre des personnes prostituées

L’expérience de l’association depuis plus de 30 ans auprès des personnes en situation de prostitution nous montre que les publics et les problématiques rencontrés sont extrêmement divers. Même si une analyse sociologique permet de mieux comprendre le paysage prostitutionnel, chaque personne rencontrée est unique, et à un parcours qui lui est propre ; les problématiques qu’elle rencontre ne sont pas forcément communes au groupe sociologique auquel elle appartient.

 

Personnes prostituées - Bois de BoulogneDéfinition des publics rencontrés

Ainsi, dans l’esprit de sa mission et dans le respect de l’individualité de chacune des personnes, l’association fait le choix de distinguer les personnes rencontrées en fonction du regard que chacune porte sur sa situation prostitutionnelle et sur les perspectives d’avenir qu’elle imagine :

  • Certaines personnes rencontrées voient leur situation de prostitution comme provisoire ou transitoire. Pour elles, la prostitution n’est pas un choix de vie, elles envisagent un « après prostitution », réfléchissant à un projet d’avenir.
  • D’autres la considèrent comme leur réalité à part entière, elles nous disent l’assumer et se projettent peu dans un futur alternatif.
  • D’autres enfin nous confient le mal-être dans lequel elles vivent du fait de la prostitution et du mode de vie qui en découle. Mais si un désir de sortie de prostitution est exprimé, il semble souvent difficile à concrétiser, parfois peu réaliste, voire seulement fantasmé.  

 

A la rencontre des personnes en situation de prostitution

Nos équipes vont à la rencontre des personnes en situation de prostitution dans le cadre de tournées-rue et les accueillent lors de temps de permanences inconditionnelles, sur cinq secteurs d’intervention à Paris :

  • L’accueil Sainte Rita : 9ème et  18ème arrondissements (Boulevard de Clichy, Grands Magasins)
  • L’antenne Saint Leu-St Gilles : 1er, 2ème, 3ème et 4ème arrondissements (Strasbourg Saint Denis)
  • L’antenne Sainte Jeanne de Chantal : 16ème arrondissement (Bois de Boulogne…). 
  • L’antenne de l’Immaculée Conception : 12ème arrondissement (Bois de Vincennes…).
  • L’accueil LAZARE : situé dans le 16ème arrondissement, il est un lieu d’accueil ouvert du lundi au vendredi pour les jeunes garçons qui vivent dans et de la rue aux alentours de la Porte Dauphine et du Bois de Boulogne.

 

 

Témoignage de Yoko, accueillie des Captifs

« Mon rêve ? Que tous ceux qui sont encore esclave de la prostitution soient libres ! ».

J’ai eu une enfance bouleversée car nous avons dû fuir le Laos et connu les camps de travaux forcés, j’ai très bien gardé en mémoire son savoir-faire. Ma famille et moi sommes arrivés en France en 1985 à Limoges. Mon père est alors devenu violent car il ne trouvait pas de travail et notre famille n’avait plus une vie aisée ; car dans mon pays, nous avions des terres, nous étions riches. J’ai donc fui à 16 ans les coups de mon père et le foyer familial pour venir, seule, à Paris. J’ai dormi dans le métro, dans les bois. C’était très dur… Ce n’est qu’après ma rencontre avec les Captifs, quand j’ai réussi à quitter le monde de la prostitution que j’ai décidé de devenir masseuse. Je suis enfin dans la lumière. Les Captifs, c’est ma deuxième famille car ils ont été une lumière pour moi. Je leur suis fidèle car cela fait 20 ans que je les connais : bénévoles, travailleurs sociaux. Grâce à eux, j’ai pu quitter la prostitution ; essayer de faire un autre métier, avoir une autre vie comme tout le monde.

C’est dur pour les transsexuels de trouver un emploi. En plus, s’ils sont malades comme je le suis. Moi, je commence à un peu gagner de l’argent en faisant des massages à domicile ou à « Massages Expo », Porte de Versailles, où j’ai eu un stand durant quelques jours. Mais ce qui compte pour moi, ce n’est pas l’argent, c’est le cœur, c’est rencontrer des gens. Je n’ai donc pas de tarifs imposés, je prends ce que les gens me donnent pour me remercier après les avoir massés. J’arrive enfin à voir l’avenir. Le Bois de Boulogne, c’est vraiment fini ; je n’y vais plus et tant mieux ! Car c’est vraiment dur d’être avec des voyous et de voir l’alcool partout… Mais ce qui me fait mal quand j’y pense, c’est de savoir les autres se faire toujours du mal à eux-mêmes… ils sont prisonniers…c’est comme s’ils vivaient de jour comme de nuit dans le noir. Le Bois, c’est l’argent ; et gagner de l’argent en se prostituant, cela détruit ; cela fait honte… L’argent ce n’est que du papier et pourtant ça peut faire brûler les relations, ça peut nous brûler et nous détruire à l’intérieur.

Le plus important, c’est de se rencontrer les uns et les autres ; car on est fait pour aimer, pour comprendre chaque personne : celle qui est généreuse et est gentille comme celle qui ne donne rien et semble fermée, froide. Mon rêve ? Que tous ceux qui sont encore esclaves de la prostitution soient libres ! Qu’ils découvrent la vraie vie ! Mes copines du Bois ont repris courage en me voyant sortir de là ! Maintenant, elles savent qu’on peut vivre ailleurs et commencer un autre métier. J’ai perdu la moitié de mon âge là-bas et j’étais dans le noir, j’aimerais que personne ne vive cela ! En plus de masser, j’apprends aussi la peinture chaque semaine (atelier de l’antenne de Paris Centre) et j’ai envie que mes tableaux voyagent. Pour que les gens sachent que les prostituées, les transsexuels sont capables de faire du beau. Aujourd’hui, oh la la, qu’est que je me sens bien !!! Comme un cerf-volant… Légère, c’est comme si je volais dans les airs. Et même si je n’ai pas d’argent, ce n’est pas grave, mon cœur, lui, est bien, apaisé.

 

Découvrez le regard des Captifs sur les personnes prostituées :