Clara est bénévole sur l’antenne de Lazare (Paris, 16e) depuis octobre 2024. Etudiante en psychologie, elle confronte son savoir à la réalité du terrain, et se laisse transformer par les rencontres qu’elle vit.
Tous les jeudis soir, à 21h, au lieu de sortir avec des amis, Clara part, avec Aristarque et Bruno, bénévoles eux-aussi, à la rencontre des personnes en situation de prostitution dans le Bois de Boulogne, souvent transgenres latino-américaines. Elle a également participé pendant 4 mois à la permanence d’accueil pour les hommes. « Etudiante en psychologie, j’ai pris une année sabbatique après ma licence pour donner de mon temps à des personnes victimes de trauma et mettre les mains dans la terre », explique la jeune femme de 24 ans. « Je voulais mieux comprendre la posture à avoir avec ces personnes, et également donner de mon temps, partager tout l’amour que j’ai reçu dans ma vie ».
Sur le terrain, elle a pu vérifier que les personnes en situation de prostitution reproduisent les traumas qu’elles ont vécues dans l’enfance (abus sexuels) ou sur leurs parcours d’exil (viols). « Parmi les personnes transgenres, certaines veulent arrêter la prostitution. Elles le disent, mais n’y arrivent pas. Elles ont besoin, inconsciemment, de reproduire des situations qui les ont fait souffrir. Elles parlent, sans filtre, des situations qu’elles vivent chaque jour. Les hommes, eux, n’en parlent pas. Le sujet de la prostitution est tabou pour eux. » Avec les uns et les autres, elle a réussi à tisser des liens, au fil du temps. Elle parle de « belles rencontres » et comprend mieux pourquoi l’association attend de ses bénévoles un engagement dans la fidélité car la confiance a besoin de temps pour s’installer.
Clara réalise qu’elle reçoit beaucoup depuis qu’elle s’est engagée au sein des Captifs, et que son regard a changé. « J’habite à côté du bois de Boulogne et je n’imaginais pas la violence qui y règne. On n’en parle jamais et les personnes qui se prostituent ne sont pas vraiment regardées comme des personnes, elles sont déshumanisées, vues plutôt comme des objets sexuels. Maintenant je les vois comme de vraies personnes, qui nous partagent leurs émotions, leurs joies, leurs peines, nous parlent de leur famille… Elles blaguent souvent, et dégagent de la joie de vivre. Je ressens la force qui émane d’elles, malgré tout ce qu’elles vivent, et cela me booste. » Le plus dur, finalement, c’est quand elle croise des clients. Certains expriment parfois des propos d’une telle violence qu’elle reprend conscience de ce que vivent au quotidien les personnes en situation de prostitution.
Clara reconnait qu’avant sa première tournée, elle avait des peurs et des idées reçues. Elle craignait de ne pas savoir comment faire, de ne pas avoir les bonnes attitudes. Elle croyait également que ce serait facile d’aider les personnes à s’en sortir. Mais au fil des semaines, elle a compris l’essence des Captifs et de sa mission. « Finalement, en venant sans juger, avec bienveillance, prête à écouter, tout se passe bien. Les personnes sont heureuses de nous retrouver, elles viennent facilement vers nous car sommes souvent leur seul contact avec le monde extérieur. Et on comprend que l’aide concrète qu’on leur apporte, ce n’est pas forcément une sortie de la prostitution : c’est un regard bienveillant, une conversation, un sourire… De petites choses qui peuvent, parfois, faire la différence, créer un déclic… ». Dans ces moments-là, Clara oublie sa casquette d’étudiante en psychologie, et se sent juste bien, en vérité avec elle-même.